Daniel Soares est un homme discret. Il cumule pourtant les casquettes à Yverdon Sport et fait partie des personnes très précieuses pour un club de football. Rencontre.

La démarche un peu hésitante. Le regard perçant. Daniel Soares fait partie de ces personnes à connaître, sans quoi il pourrait sembler un brin intimidant lui qui l’avoue volontiers. Et son histoire mérite d’être racontée. Aujourd’hui entraîneur des M9 d’Yverdon Sport, l’Yverdonnois d’origine portugaise a connu un parcours qui ne suit pas forcément une courbe toute tracée. Car lui et le football n’étaient pas faits pour se rencontrer. Lui et Yverdon Sport non plus. Et pourtant.

Enfant, Daniel Soares vivait chez sa grand-maman, au Portugal, et passait le plus clair de son temps à l’intérieur en compagnie de celle qui l’éduquait, qui lui apprenait la vie. Ses parents étaient saisonniers en Suisse – à Yverdon-les-Bains – et revenaient deux mois par année au pays. «Début janvier 1988, mon papa arrive à la maison : Daniel, tu viens avec nous en Suisse. Il venait d’obtenir son permis de séjour. Là, une nouvelle vie allait commencer.» Changement de décor pour le jeune Daniel qui s’apprête à découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture, à six ans seulement.

Au milieu de nulle part

A Yverdon-les-Bains, Daniel Soares ne connaît personne. Il use pour la première fois d’un ballon de football afin d’occuper son temps libre et voue au fil des sessions un attrait particulier pour ce passe-temps. «Tout était nouveau pour moi. Je devais apprendre la langue, me refaire des copains. La nourriture est différente, les comportements de chacun aussi. Parfois, avec ma démarche et mon physique, je pouvais paraître un peu agressif. Je faisais peut-être peur. Mais quand je jouais au football, j’avais des copains. Au début, je tapais dans le ballon seul, et puis certains se joignaient à la partie. Au fil du temps, j’organisais un peu les matchs : je faisais les buts et le terrain avec les moyens du bord.» Et le jeune Daniel parvenait surtout à s’intégrer.

Les habitudes de la famille Soares dans le Nord vaudois deviennent monnaie courante. Parmi celles-ci figurait celle du café pris à La Migros. «On y croisait régulièrement un homme, devenu ami de la famille. Il était entraîneur à Yverdon Sport et c’est comme ça que le lien s’est fait. En septembre 1992, après avoir tapé à de nombreuses reprises le ballon dans le quartier, j’ai décidé de débuter le football en club. J’avais 10 ans. Après le groupe PREP (pour les jeunes joueurs non licenciés), j’ai rejoint les C Inter, puis les B Inter et enfin les M16. Là, je me suis rendu compte que ce n’était pas que le football qui me faisait vivre, et j’ai dû faire des choix.»

Les ramasseurs de balle, ici entourés par Lewin Blum et Daniel Soares.

Chaque choix ses conséquences   

En apprentissage de storiste, Daniel Soares évolue en parallèle avec les M16 d’Yverdon Sport. Mais son implication pour le football diminue inversement à son engagement dans son travail. Des cours lui sont dispensés à Genève et le contraignent à manquer des entraînements. «Je commence à être remplaçant, à moins jouer. C’est là que l’on voit à quel point les choix sont importants. Mais à cette époque, il n’était pas vraiment possible de faire autrement. Ce qu’il fallait, c’est ramener de l’argent.» L’adolescent d’origine portugaise rejoint alors le Centre Portugais d’Yverdon, en 3e ligue. Loin de la carrière qu’il avait imaginée.

Le temps lui apprend que le football ne forgera pas à lui seul son avenir. Après un certain nombre d’années passées sur les terrains de ligues inférieures, il effectue ses premiers pas en tant qu’entraîneur. En 2015, Daniel Soares s’asseye pour la première fois sur un banc avec Yverdon Sport lors d’une confrontation à Champagne. «J’ai eu un plaisir fou et j’ai senti que j’étais fait pour coacher les jeunes. Je ne suis pas quelqu’un d’autoritaire, loin de là. De toute évidence je n’y arriverais pas ! (rires) Je les laisse s’exprimer, sur le terrain comme en-dehors. Je regarde jusqu’où ils peuvent aller et c’est lorsqu’ils transgressent la règle que je dis stop.»

L’Yverdonnois a entraîné le groupe PREP à ses débuts, celui qu’il a justement rejoint lors de son arrivée au club en trente ans plus tôt. Il a ensuite dépanné tant pour les juniors E que F avant de reprendre les M9 d’YS. «C’est ma sixième génération de M9. Cette catégorie de jeu a son importance. C’est le début des matchs avec des vrais buts, des vrais terrains. Il y a un arbitre. Je suis fier de les y emmener dans le respect des règles et des acteurs qui composent un match de football, raconte l’entraîneur. Les jeunes doivent comprendre que chaque décision prise sur un terrain, mais c’est aussi valable en-dehors, a une répercussion.» Titulaire du diplôme C+, Daniel Soares souhaite se spécialiser dans le coaching des enfants.

Daniel Soares ici à la salle de la Villette, durant les entraînements en salle lors de la trêve hivernale.

Ses autres fonctions

Mais son implication pour le football et YS ne s’arrête pas là pour celui qui coordonne également les ramasseurs de balle les jours de matchs en Challenge League. «J’avais remarqué lors d’un match un ramasseur pas spécialement concerné par le jeu. J’ai alors proposé mes services à Jean-Claude Tétaz (ndlr : ancien secrétaire général) et Philippe Demarque afin de chapeauter le tout. Les enfants doivent venir pour se créer des souvenirs de chaque rencontre. Je tiens à les impliquer dans le match, à leur faire comprendre qu’ils peuvent être acteurs du succès de leur équipe.» Daniel Soares ne manque ainsi pas de demande pour les rencontres d’Yverdon Sport et les enfants se montrent toujours ravis de participer à la victoire – ou à la défaite – de leurs protégés.

Et puis l’entraîneur porte une dernière casquette, celle d’organisateur d’anniversaires Yverdon-les-Bains et alentours. Une idée qui lui est venue de son fils, désireux de passer le cap en compagnie de ses amis et du football. Non, Daniel Soares n’avait pas grand-chose qui le rattachait au ballon rond avant sa venue dans la Cité thermale. Ses parents non plus. C’est pourtant ce qui lui a permis de s’intégrer à la Suisse et d’y trouver un véritable exutoire.

© Photos : Flashpress/ Allenspach