Chaque jeudi dans notre newsletter, nous abordons une thématique liée au football au côté d’un membre du club. Responsable technique de l’Academy, Modou Boye se livre sur la thématique suivante : « existe-t-il un âge parfait pour un entraîneur de football » ?

Alors qu’un rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES rapporte que, en 2020, l’âge moyen d’un entraîneur professionnel est de 48,8 ans, de plus en plus de jeunes entraîneurs se font une place dans des clubs de renoms : Will Still (30 ans, Stade de Reims), Julian Nagelsmann (35 ans, Bayern Munich) ou encore Mikael Arteta (40 ans, Arsenal). Alors, existe-t-il un âge « de maturité » pour un entraîneur de football comme c’est le cas pour les joueurs ? Modou Boye nous livre son ressenti.


« C’est une question très complexe. On s’aperçoit bien que les âges varient un peu partout pour les entraîneurs, même au niveau international. Selon moi, au-delà de l’âge, il y un aspect fondamental qui prime dans la fonction d’entraîneur : l’expérience.

La carrière d’un entraîneur débute le plus souvent avec des équipes juniors. L’approche y est bien différente, on y essaye plusieurs formules. Avec les enfants et les adolescents, il y a d’autres dimensions à prendre en compte : les parents, le suivi scolaire, la logistique autour d’un entraînement. La pédagogie y est primordiale. Avec les adultes, la communication change et d’autres facteurs interviennent de manière plus soutenue : les caractères de chacun, le management du groupe, etc.

Selon moi, plus tu montes dans les catégories de jeu, tant par l’âge que par le niveau – plus tu te rapproches du niveau professionnel – plus tu vas être confronté à un lot de problématiques (sportif, staff, management, médical…). Et si au préalable tu n’as jamais été confronté à ces problématiques, alors tu risques de ne pas pouvoir les résoudre. C’est pour cela qu’il est, je pense, important de ne pas brûler les étapes dans l’apprentissage de la fonction d’entraîneur.

« C’est ce que l’on voit beaucoup aujourd’hui : les entraîneurs de demain tentent de côtoyer des coachs qualifiés en intégrant rapidement des staffs professionnels« 

modou boye

Bien-sûr, il y a toujours des exceptions. Prenons Zinédine Zidane par exemple : il n’a eu besoin « que » de la Castilla B du Real Madrid pour arriver aussi haut. De par son vécu, c’est quelqu’un d’énormément respecté par les jeunes mais aussi par les adultes. Il a un management irréprochable. Quand il parle, tout le monde se tait et l’écoute ; il inspire le respect.

Aussi, les erreurs n’ont pas les mêmes conséquences avec un groupe amateur ou professionnel, avec des jeunes ou des plus âgés. Des erreurs qui passent incognito peuvent, avec certains groupes, te coûter ta crédibilité et s’avérer fatales. C’est pour cela que c’est important de commencer tout en bas. Un entraîneur doit être capable de connaître de multiples situations. Plus que son âge, c’est l’âge auquel il a commencé à entraîner qui est déterminant. Tu peux avoir 35 ans, t’appeler Julian Nagelsmann (Bayern Munich) et figurer parmi les meilleurs entraîneurs du monde ou, au contraire, rencontrer d’énormes difficultés à gérer un groupe dont certains éléments ont le même âge que toi. Chez les actifs, cela peut rapidement mener à une confrontation.

Modou Boye est également entraîneur M15 à Yverdon Sport.

Bien sûr, il est important de se former en tant que coach afin de pouvoir transmettre son savoir. Car finalement, entrainer c’est ça : transmettre un vécu, une philosophie, pour que les joueurs les reproduisent au mieux. C’est un héritage que nous souhaitons laisser. Prenons José Mourinho. Il n’a pas fait la plus grande carrière de joueur possible. Mais sa force à lui a été de rejoindre une structure professionnelle très rapidement. Il y a peut-être une part de chance aussi, certes. Mais un entraîneur comme lui c’est avant tout un passionné, un mordu de travail, qui ne dort quasiment jamais. Il a su intégrer une structure professionnelle rapidement, à travers un rôle peut-être secondaire dans un premier temps. C’est ce que l’on voit beaucoup aujourd’hui : les entraîneurs de demain tentent de côtoyer des coachs qualifiés en intégrant des staffs, même si la fonction première n’est pas celle espérée.

Est-ce qu’il faut avoir jouer comme professionnel avant d’entraîner ? Là aussi, ça aide, mais ce n’est pas forcément un prérequis. Thierry Henry, par exemple, n’a pas encore le succès escompté. Mais à l’inverse, c’est difficile d’intégrer le circuit sans en avoir fait partie au préalable. Le réseau est très important dans le football. Sans cela, il faut compenser avec une expérience solide. »

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